vendredi 14 novembre 2008

LOIS: DIVINE ET CIVILE

Loi divine et loi civile

Là où la religion a été mise à l'écart de la société civile, la doctrine et l'autorité de la révélation divine répudiées, la pure notion même de la justice et du droit humain s'obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime. D'où l'on voit clairement pourquoi certains, reléguant au dernier rang les plus sûrs principes de la saine raison, sans en tenir compte, osent proclamer que : “La volonté du peuple qui se manifeste par ce qu'on dit être l'opinion publique, ou autrement, constitue la loi suprême dégagée de tout droit divin et humain, et que dans l'ordre politique des faits accomplis, par cela même qu'ils sont accomplis, ont force de droit”.
Mais qui ne voit et ne sent parfaitement qu'une société dégagée des liens de la religion et de la vraie justice, ne peut plus se proposer aucun autre but que d'amasser et d'accumuler des richesses, ni suivre d'autre loi dans ses actes que l'indomptable désir de l'âme d'être esclave de ses propres passions et intérêts ? C'est pourquoi les hommes de cette espèce poursuivent d'une haine si cruelle les Familles Religieuses, en dépit des services rendus au prix des plus grands efforts à la religion chrétienne, à la société civile et à la culture ; ils déblatèrent contre elle en disant qu'elles n'ont aucune raison légitime d'exister, et c'est ainsi qu'ils applaudissent aux divagations des hérétiques. (…)
Et ils déclarent même dans leur impiété qu'il faut ôter aux citoyens et à l'Église la faculté “de fournir valablement des aumônes publiques par charité chrétienne”, et abolir la loi “qui à des jours déterminés défend les œuvres serviles pour vaquer au culte divin” sous le prétexte si fallacieux que “la faculté et la loi ci-dessus évoquées sont contraires aux principes de la bonne économie politique”.

Pie IX : Quanta cura, 6-8 ; 8 décembre 1864.

mardi 28 octobre 2008

BEAUCOUP DE VEUVES EN ISRAEL

« Il y avait beaucoup de veuves en Israël »

Mon âme misérable, Seigneur, est nue et transie ; elle désire être réchauffée par la chaleur de ton amour… Dans l’immensité du désert de mon coeur, je ne ramasse pas quelques branches comme la veuve de Sarepta, mais seulement ces brindilles, afin de me préparer de quoi manger, avec la poignée de farine et le vase d’huile, et puis en entrant dans la tente de ma demeure, je mourrai (1R 17,10s). Ou plutôt, je ne mourrai pas si vite ; non, Seigneur, je ne mourrai pas, mais je vivrai et je raconterai tes oeuvres (Ps 117,17).
Je me tiens donc dans ma solitude … et j’ouvre la bouche vers toi, Seigneur, et je cherche le souffle. Et quelquefois, Seigneur, … tu me mets quelque chose dans la bouche du coeur ; mais tu ne me permets pas de savoir ce que c’est. Sans doute, je goûte une saveur si douce, si suave, si réconfortante, que je ne recherche plus rien d’autre ; mais quand je la reçois, tu ne me permets pas de discerner ce que c’est… Quand je la reçois, je veux la retenir et la ruminer, la savourer, mais aussitôt elle passe…
Par expérience, j’apprends ce que tu dis de l’Esprit dans l’Evangile : « On ne sait d’où il vient ni où il va » (Jn 3,8). En effet, tout ce que j’ai pris soin de confier à ma mémoire, afin de pouvoir y revenir quand je voudrais et de le soumettre ainsi à ma volonté, tout cela je le trouve mort et insipide. J’entends ta parole : « L’Esprit souffle où il veut » et je découvre en moi qu’il souffle non pas quand je le veux, mais quand lui il le veut…
Vers toi donc, Seigneur, vers toi mes yeux sont tournés (Ps 122,1)… Combien de temps attendras-tu ? Combien de temps mon âme se traînera-t-elle après toi, misérable, anxieuse, à bout de souffle ? (Ps 12,2) Cache-moi, je t’en prie, dans le secret de ta face, loin des intrigues des hommes ; protège-moi dans ta tente, loin de la guerre des langues (Ps 30,21).

Guillaume de Saint-Thierry (vers 1085-1148),
moine bénédictin puis cistercien ; La Contemplation de Dieu, 12 (tr. SC 61, p.133 alt.)

lundi 20 octobre 2008

LE SEMEUR

Le semeur sème sans compter


Je n'ai pas persuadé aujourd'hui mon auditeur, mais peut-être le ferai-je demain, peut-être dans trois ou quatre jours ou dans quelque temps. Le pêcheur qui a jeté inutilement ses filets pendant un jour entier prend quelquefois sur le soir, au moment de partir, le poisson qu'il n'avait pas pu prendre pendant le jour. Le laboureur ne laisse pas de cultiver ses terres, même s'il n'a pas eu de bonne récolte pendant plusieurs années, et à la fin, une seule année répare souvent et abondamment toutes les pertes antérieures.
Dieu ne nous demande pas de réussir, mais de travailler ; or, notre travail ne sera pas moins récompensé parce qu'on ne nous aura pas écoutés... Le Christ savait bien que Judas ne se convertirait pas et pourtant jusqu'à la fin il essayait de le convertir, en lui reprochant sa faute dans les termes les plus touchants : « Ami, pourquoi es-tu venu ? » (Mt 26,50 grec). Or, si le Christ, le modèle des pasteurs, a travaillé jusqu'à la fin à la conversion d'un homme désespéré, que ne devons-nous pas faire pour ceux envers qui il nous est ordonné de toujours espérer ?

Saint Jean Chrysostome (vers 345-407), évêque d'Antioche puis de Constantinople,
docteur de l'Église ; Homélie au retour de l'exil, sur la Cananéenne (trad. AELF)

vendredi 17 octobre 2008

LE MYSTERE DE L'EGLISE


Nous savons bien que c'est un mystère. C'est le mystère de l'Église. Et si, avec l’aide de Dieu, nous fixons le regard de l'âme sur ce mystère, nous en obtiendrons de nombreux bienfaits spirituels, ceux, précisément, dont nous croyons que l'Église a actuellement le plus grand besoin. La présence du Christ, sa vie même, entrera en action dans chacune des âmes et dans l'ensemble du Corps mystique par l'exercice de la foi vive et vivifiante, selon la parole de l'Apôtre : « Que le Christ habite par la foi dans vos cœurs ». (Ep., 3, 17.) La conscience du mystère de l'Église est en effet le résultat d'une foi mûre et vécue. Elle produit dans l'âme ce « sens de l'Église » qui pénètre le chrétien grandi à l'école de la parole divine, nourri de la grâce des sacrements et des inspirations ineffables du Paraclet, entraîné à la pratique des vertus évangéliques, pénétré de la culture et de la vie de la communauté de l'Église et profondément joyeux de se sentir revêtu du sacerdoce royal qui appartient en propre au peuple de Dieu (cf. 1 P, 2, 9).
Le mystère de l'Église n'est pas un simple objet de connaissance théologique, il doit être un fait vécu dans lequel, avant même d'en avoir une notion claire, l'âme fidèle peut avoir comme un expérience connaturelle ; et la communauté de croyants peut trouver la certitude intime de sa participation au Corps mystique du Christ quand elle se rend compte que ce qui la fait commencer, l'engendre (cf. Gal., 4, 19 ; 1 Cor., 4, 15), l'instruit, la sanctifie, la dirige, c'est le ministère de la hiérarchie ecclésiastique instituée divinement, si bien que par ce canal béni, le Christ répand dans ses membres mystiques les communications merveilleuses de sa vérité et de sa grâce et confère à son Corps mystique, pèlerin dans le temps, sa structure visible, sa noble unité, le caractère fonctionnel de son organisme, sa variété harmonieuse, sa beauté spirituelle. Les images ne suffisent pas à traduire en concepts accessibles la réalité et la profondeur d'un tel mystère ; cependant après l'image que Nous venons de rappeler, du Corps mystique, suggérée par saint Paul, il y en a une autre dont nous devrons nous souvenir, parce que suggérée par le Christ lui-même, celle de l'édifice dont il est l'architecte et le constructeur ; édifice fondé, il est vrai, sur un homme naturellement fragile, mais transformé miraculeusement par lui en pierre, solide, c'est-à-dire doué d'une indéfectibilité prodigieuse et sans fin : « Sur cette pierre, je construirai mon église ». (Mt., 16, 18.)

Paul VI : Ecclesiam suam ; 1964.

lundi 13 octobre 2008

EUCHARISTIE AU CENTRE

Si la Sainte Liturgie occupe la première place dans la vie de l’Église, elle a, peut-on dire, son cœur et son centre dans l'Eucharistie, puisque celle-ci est la fontaine de vie où nous trouvons de quoi nous purifier et nous fortifier, en sorte que nous ne vivions plus pour nous mais pour Dieu, et que nous nous unissions entre nous par le lien si étroit de la charité.
Pour mettre en évidence le rapport intime qui joint la piété à la foi, les Pères du Concile ont confirmé l'enseignement constamment maintenu et dispensé par l’Église et solennellement défini au Concile de Trente; ils ont tenu à introduire l'exposé sur le mystère sacré de l'Eucharistie par cette synthèse de vérité : « Notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il fut livré, a institué le Sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang, afin de perpétuer ainsi le Sacrifice de la Croix à travers les siècles jusqu'à sa venue, laissant de la sorte à l'Église, son Épouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection; sacrement de piété, signe d'unité, lien de charité, banquet pascal, où on reçoit le Christ, où l'âme est comblée de grâce et par quoi est accordé le gage de la gloire à venir » [1].
Ces paroles exaltent en même temps le Sacrifice, qui est de l'essence même de la Messe qu'on célèbre chaque jour, et le Sacrement, auquel les fidèles prennent part quand dans la Sainte Communion ils mangent la chair du Christ et boivent son sang et reçoivent la grâce, anticipation de la vie éternelle ; remède d'immortalité, selon le mot du Seigneur. « Qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » [2].
Paul VI : Mysterium fidei ; 1965.

[1] Constitution : De sacra liturgia, n° 47 ; AAS 56, (1964), p. 113.
[2] Jean : 6, 55.

dimanche 12 octobre 2008

VETEMENT DE NOCE

Revêtir le vêtement de noce

Quel est le vêtement de noce dont parle l'Évangile ? Très certainement cette robe est une chose que seuls possèdent les bons, ceux qui doivent participer au festin... Seraient-ce les sacrements ? le baptême ? Sans le baptême, personne ne parvient jusqu'à Dieu, mais certains reçoivent le baptême et n'arrivent pas jusqu'à Dieu... Peut-être est-ce l'autel ou ce que l'on reçoit à l'autel ? Mais en recevant le Corps du Seigneur certains mangent et boivent leur propre condamnation (1Co 11,29). Qu'est-ce donc ? le jeûne ? Les méchants jeûnent aussi. La fréquentation de l'église ? Les méchants vont à l'église comme les autres...
Qu'est-ce donc que ce vêtement de noce ? L'apôtre Paul nous dit : « Les préceptes n'ont d'autre fin que la charité qui naît d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans feinte » (1Tm 1,5). Le voilà le vêtement de noce. Il ne s'agit pas de n'importe quel amour, car souvent on voit des hommes malhonnêtes en aimer d'autres..., mais on ne voit pas chez eux cette charité « qui naît d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans feinte » ; or, c'est cette charité-là qui est le vêtement de noce.
« J'aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, dit l'apôtre Paul, s'il me manque l'amour, je ne suis que de l'airain qui résonne, une cymbale retentissante... J'aurais beau être prophète, connaître tous les mystères et toute la science, et avoir la foi jusqu'à transporter les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien » (1Co 13,1-2)... J'aurais beau avoir tout cela, dit-il, sans le Christ « Je ne suis rien »... Combien de biens sont inutiles, si un seul bien vient à manquer ! Si je n'ai pas l'amour, j'aurais beau distribuer tous mes biens, confesser le nom du Christ jusqu’a verser mon sang (1Co 13,3), cela ne servirait à rien, puisque je peux agir ainsi par amour de la gloire... « S'il me manque l'amour, cela ne sert à rien. » Voilà le vêtement de noce. Examinez-vous : si vous l'avez, approchez avec confiance du banquet du Seigneur.

Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone et docteur de l'Église ;
Sermon 90 ; PL 38, 559s

jeudi 9 octobre 2008

SUR L'ÉGLISE

L’Église doit approfondir sa conscience

Nous vous dirons tout de suite, vénérables frères, qu'il y a trois pensées qui occupent Notre esprit (…).
C'est d'abord la pensée que l'heure sonne pour l'Église d'approfondir la conscience qu'elle a d'elle-même, de méditer sur le mystère qui est le sien, d'explorer, pour sa propre instruction et sa propre édification, la doctrine qu'elle connaît déjà et qui a déjà été en ce dernier siècle précisée et répandue, concernant sa propre origine, sa propre nature, sa propre mission, son propre sort final, doctrine cependant jamais assez étudiée et comprise, car c'est elle qui contient la « dispensation du mystère tenu caché en Dieu depuis les siècles... pour qu'il fût désormais connu... par le moyen de l'Église » (Eph.., 3, 9-10), en d'autres termes, la mystérieuse réserve des mystérieux desseins divins qui viennent à la connaissance des hommes par l'intermédiaire de l'Église ; car cette doctrine constitue aujourd'hui le sujet qui intéresse plus que tout autre la réflexion de qui veut suivre docilement le Christ, et combien plus de ceux que, comme Nous et comme vous, vénérables frères, le Saint-Esprit a établis comme évêques pour gouverner cette même Église de Dieu (cf. Ac, 20, 28).
De cette conscience éclairée et agissante, dérive un désir spontané de confronter à l'image idéale de l'Église, telle que le Christ la vit, la voulut et l'aima comme son Épouse sainte et immaculée. (Ep., 5, 27), le visage réel que l'Église présente aujourd'hui. Celui-ci est fidèle, par la grâce de Dieu, aux traits que son divin Fondateur lui imprima et que le Saint-Esprit vivifia et développa dans le cours des siècles en une forme plus ample et correspondant mieux d'une part au concept initial, de l'autre à la nature de l'humanité qu'elle évangélisait et assumait ; mais, jamais, il n'est assez parfait, assez beau, assez saint et lumineux pour être conforme au concept divin qui constitue son modèle.
De là, naît un désir généreux et comme impatient de renouvellement, c'est-à-dire de correction des défauts que cette conscience, en s'examinant à la lumière du modèle que le Christ nous en a laissé, dénonce et rejette. Quel est donc le devoir actuel de l'Église de corriger les défauts de ses propres membres et de les faire tendre à une plus grande perfection, et quelle est la méthode pour arriver avec sagesse à un renouvellement si important, telle est la seconde pensée qui occupe Notre esprit et que Nous voudrions vous exposer pour trouver, non seulement plus de courage à entreprendre les réformes nécessaires, mais aussi pour avoir, avec votre adhésion, conseil et appui dans une entreprise si délicate et si difficile.

Paul VI : “Ecclesiam suam” ; 1964.

samedi 4 octobre 2008

MARIE ET L'EUCHARISTIE

Le mystère Eucharistique se réalise dans la Messe

Dans le mystère eucharistique est représenté de façon merveilleuse le Sacrifice de la Croix consommé une fois pour toutes sur le Calvaire ; ce Sacrifice y est sans cesse rendu présent à notre souvenir et sa vertu salutaire y est appliquée à la rémission des péchés qui se commettent chaque jour [1]. Notre-Seigneur Jésus-Christ en instituant le mystère eucharistique a scellé de son sang la Nouvelle Alliance dont Il est le Médiateur, comme déjà Moïse avait scellé l'Ancienne Alliance dans le sang des victimes [2]. L’Évangile le rapporte : à la dernière Cène, « ayant pris le pain, Il rendit grâces et rompit le pain puis le donna aux Apôtres en disant : Ceci est mon Corps donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Pareillement Il prit la coupe, après le repas, en disant : Ceci est la coupe de la Nouvelle Alliance dans mon sang répandu pour vous » [3]. En prescrivant aux Apôtres de faire cela en souvenir de Lui, Il voulait du même coup que le geste se renouvelât perpétuellement.
Et l’Église a fidèlement exécuté cette consigne, restant attachée aux enseignements des Apôtres et se réunissant pour célébrer le Sacrifice Eucharistique. « Et tous étaient assidus aux enseignements des Apôtres et aux réunions communes, à la fraction du pain et aux prières » [4]. Et telle était la ferveur que les fidèles y puisaient qu'on pouvait dire à leur sujet. « La masse des croyants n'avait qu'un cœur et qu'une âme » [5].
A son tour l'Apôtre Paul, qui nous a transmis avec une extrême fidélité ce qu'il avait appris du Seigneur [6], parle ouvertement du Sacrifice Eucharistique quand il explique que les chrétiens ne peuvent avoir part aux sacrifices des païens, précisément parce qu'ils sont devenus participants de la table du Seigneur. « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas une communion au sang du Christ ? Et le pain que nous rompons n'est-il pas une participation au corps du Christ ? ... Vous ne pouvez boire à la coupe du Seigneur et à la coupe des démons; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons » [7].

Paul VI ; Mysterium fidei ; 1965.

[1] Cf. CONCILE DE TRENTE, décret : Doctrine du Saint Sacrifice de la Messe, c. 1.
[2] Cf. Exode, 24, 8.
[3] Luc, 22, 19-20 ; cf. Matthieu 26, 26-28 ; Marc, 14, 22-24.
[4] Actes, 2, 42.
[5] Actes, 4, 32.
[6] 1 Corinthiens, 11, 23.
[7] 1 Corinthiens, 10, 16.

mercredi 1 octobre 2008

LA VIGNE DU SEIGNEUR

« Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments »
En ce qui concerne l’Eglise, la conception la plus accessible à l'esprit humain est celle d'une communauté de croyants. Quiconque croit en Jésus Christ et en son Évangile et espère en l'accomplissement de ses promesses, quiconque lui est attaché par un sentiment d'amour et obéit à ses commandements, doit être uni à tous ceux qui partagent le même esprit par une profonde communion spirituelle et un attachement d'amour. Ceux qui ont suivi le Seigneur pendant son séjour sur terre étaient les jeunes premières pousses de la communauté chrétienne ; ce sont eux qui l’ont répandue et qui ont transmis en héritage dans la suite des temps et jusqu'à nos jours les richesses de foi d'où ils tiraient leur cohésion.
Mais même une communauté humaine naturelle peut être déjà bien plus qu’une simple association d'individus distincts, elle peut être une entente étroite allant jusqu'à l’unité organique ; ceci est encore plus vrai de la communauté surnaturelle de l’Église. L’union de l'âme avec le Christ est autre chose que la communion entre deux personnes terrestres ; cette union, commencée par le baptême et constamment renforcée par les autres sacrements, est une intégration et une poussée de sève — comme nous le dit le symbole de la vigne et du cep. Cet acte d'union avec le Christ entraîne un rapprochement de membre à membre entre tous les chrétiens. Ainsi l’Église prend la figure du corps mystique du Christ. Ce corps est un corps vivant et l'esprit qui l'anime est l’Esprit du Christ qui, partant de la tête, s'écoule vers tous les membres (Ep 5,23.30); l'esprit qui émane du Christ est le Saint Esprit et l'Église est donc le temple du Saint Esprit (Ep 2,21-22).

Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Edith Stein] (1891-1942)
carmélite, martyre, co-patronne de l'Europe
La Femme et sa destinée, recueil de six conférences
(trad. Amiot, Paris 1956, p. 124 ; cf Orval)

samedi 27 septembre 2008

LA MALICE DU TEMPS

Si l'intelligence est saine...

Si l'on fait attention à la malice du temps où nous vivons, si l'on embrasse, par la pensée, l'état des choses tant publiques que privées, on le découvrira sans peine : la cause des maux qui nous accablent, comme de ceux qui nous menacent, consiste en ce que des opinions erronées sur les choses divines et humaines se sont peu à peu insinuées des écoles des philosophes, d'où jadis elles sortirent, dans tous les rangs de la société, et sont arrivées à se faire accepter d'un très grand nombre d'esprits. Comme, en effet, il est naturel à l'homme de prendre pour guide de ses actes sa propre raison, il arrive que les défaillances de l'esprit entraînent facilement celles de la volonté ; et c'est ainsi que la fausseté des opinions, qui ont leur siège dans l'intelligence, influe sur les actions humaines et les vicie. Au contraire, si l'intelligence est saine et fermement appuyée sur des principes vrais et solides, elle sera, pour la société comme pour les particuliers, la source de grands avantages, d'innombrables bienfaits.
Sans doute, nous n'accordons pas à la philosophie humaine assez de force et d'autorité pour la juger capable, par elle seule, de repousser ou de détruire absolument toutes les erreurs. De même, en effet, que lors du premier établissement de la religion chrétienne, ce fut l'admirable lumière de la foi, répandue non par les paroles persuasives de l'humaine sagesse, mais par la manifestation de l'esprit et de la force [1], qui reconstitua le monde dans sa dignité première; de même, dans les temps présents, c'est, avant tout, de la vertu toute puissante et du secours de Dieu que nous devons attendre le retour des esprits, arrachés enfin aux ténèbres de l'erreur. Mais nous ne devons ni mépriser, ni négliger les secours naturels mis à la portée des hommes par un bienfait de la divine sagesse, laquelle dispose tout avec force et suavité ; et, de tous ces secours, le plus puissant, sans contredit, est l'usage bien réglé de la philosophie. Ce n'est pas vainement que Dieu a fait luire dans l'esprit humain la lumière de la raison ; et tant s'en faut que la lumière surajoutée de la foi éteigne ou amortisse la vigueur de l'intelligence ; au contraire, elle la perfectionne, et, en augmentant ses forces, la rend propre à de plus hautes spéculations.
Il est donc tout à fait dans l'ordre de la divine Providence que, pour rappeler les peuples à la foi et au salut, on recherche aussi le concours de la science humaine: procédé sage et louable, dont les pères de l’Église les plus illustres ont fait un usage fréquent, ainsi que l'attestent les monuments de l'antiquité. Ces mêmes Pères, en effet, assignèrent communément à la raison un rôle non moins actif qu'important, et saint Augustin le résume tout entier en quatre mots, lorsqu'il attribue à la science humaine ce par quoi la foi salutaire est engendrée, nourrie, défendue, fortifiée[2].

Léon XIII : Lettre Encyclique, Aeterni Patris ; 4 août 1879

[1] I Cor. II, 4.
[2] S. AUGUSTIN, De Trinit. lib. XIV. c. 1.

vendredi 26 septembre 2008

CHEMIN, VÉRITÉ, VIE

« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie »

Le Christ est en même temps le chemin et le terme : le chemin selon son humanité, le terme selon sa divinité. Ainsi donc, selon qu’il est homme il dit : « Moi, je suis le Chemin » et selon qu’il est Dieu il ajoute : « la Vérité et la Vie ». Ces deux mots désignent très bien le terme de ce chemin, car le terme de ce chemin, c’est la fin du désir humain… Le Christ est le chemin pour parvenir à la connaissance de la vérité, alors qu’il est lui-même la vérité : « Conduis-moi Seigneur, dans ta vérité, et j’entrerai sur ton chemin » (Ps 85,11). Et le Christ est le chemin pour parvenir à la vie, alors qu’il est lui-même la vie : « Tu m’as fait connaître les chemins de la vie » (Ps 15,11)...
Si donc tu cherches par où passer, prends le Christ, puisque lui-même est le chemin : « C'est le chemin, suivez-le » (Is 30,21). Et saint Augustin commente : « Marche en suivant l'homme et tu parviendras à Dieu ». Car il vaut mieux boiter sur le chemin que marcher à grands pas hors du chemin. Celui qui boite sur le chemin, même s'il n'avance guère, se rapproche du terme ; mais celui qui marche hors du chemin, plus il court vaillamment plus il s'éloigne du terme.
Si tu cherches où aller, sois uni au Christ, parce qu'il est en personne la vérité à laquelle nous désirons parvenir : « C'est la vérité que ma bouche médite » (Pr 8,7). Si tu cherches où demeurer, sois uni au Christ parce qu’il est en personne la vie : « Celui qui me trouvera, trouvera la vie » (Pr 8,35).

Saint Thomas d'Aquin (1225-1274), théologien dominicain, docteur de l'Église ;
Commentaire de l’évangile de Jean, 14,2